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    Conscience, être, monde. Réflexions sur les implications métaphysiques de la phénoménologie
    Le clignotement de l’être d’Alexander Schnell apporte une contribution importante aux études phénoménologiques contemporaines, notamment eu égard aux implications spéculatives voire métaphysiques ultimes qui découlent de la méthode phénoménologique. Les remarques suivantes ont pour objet le problème fondamental que pose A. Schnell durant tout son livre. Ce problème concerne le cadre de pensée dans lequel se situe l’entreprise phénoménologique, à savoir l’a priori de corrélation entre d’une part l’apparaître des phénomènes et d’autre part la conscience qui en est le destinataire. Le problème, explicitement posé, est celui de savoir comment tenir ensemble deux exigences en phénoménologie qui pourtant entrent en tension l’une avec l’autre, mais qui semblent toutes deux dériver logiquement du principe de corrélation : 1) exigence de considérer la conscience comme constituante du sens d’être des phénomènes ; 2) nécessité de faire place à la dimension ontologique fondamentale de l’être même. A. Schnell envisage la phénoménologie générative qu’il appelle de ses vœux comme une réponse à cette problématique et une tentative de respecter ces deux exigences de la phénoménologie (conscience constituante et ontologie fondamentale), tout en évitant les deux écueils majeurs que sont le Charybde du subjectivisme et le Scylla du réalisme ontologique naïf. La thèse que nous souhaiterions défendre dans les quelques pages qui suivent est celle-ci : s’il faut reconnaître à A. Schnell le mérite qui consiste à insister sur les fondements métaphysiques ultimes de la corrélation phénoménologique (beaucoup de phénoménologues, surtout d’obédience husserlienne, s’y refusent, préférant s’en tenir au cadre strict d’une théorie de la connaissance), on peut être plus réticent à accorder (ce que continue de faire A. Schnell dans le sillage de l’husserlianisme) que la conscience ait la moindre prérogative transcendantale constituante, elle qui selon Heidegger n’est à la rigueur que le miroir du transcendantal, transcendantal que nous serions plus enclin, dans le sillage par exemple de Patočka ou du second Fink, à assimiler entièrement au monde, compris dynamiquement comme procès ontogénétique de mondification. C’est pourquoi nous envisagerons notre propos comme un dialogue avec la pensée d’A. Schnell, et il sera constitué de quatre parties. Dans la première nous examinerons la critique heideggérienne de la phénoménologie transcendantale husserlienne afin de souligner les grandes difficultés qu’il y a à vouloir rendre compatible (comme s’y emploie A. Schnell) la position « consciencialiste » de la phénoménologie transcendantale husserlienne avec l’ontologie heideggérienne. Dans un deuxième temps, nous esquisserons la manière dont A. Schnell tente de corriger la phénoménologie transcendantale par la prise en compte de la dimension fondamentale et même co-constituante (ou fondante) de l’être même, de sorte à rompre avec le subjectivisme de Husserl sur un nouveau terrain, celui de la phénoménologie générative. Cela nous mènera dans un troisième temps à aborder la cosmologie phénoménologique, en montrant comment, contrairement à la phénoménologie générative (avec l’allégeance de celle-ci au primat de la conscience constituante), s’y constitue la légalité de l’être à partir du champ d’apparaître, en toute autonomie par rapport à la conscience. Nous développerons dans un quatrième temps les implications de cette thèse cosmologique eu égard à la corrélation phénoménologique, avec le problème que cela pose d’un champ d’apparaître anonyme, non adressé à une conscience. En conclusion nous reviendrons sur le point d’accord entre perspectives générative et cosmologique en phénoménologie : elles souscrivent toutes deux à la nécessité de renouveler la question de l’absolu, que traite A. Schnell à un endroit stratégique de son ouvrage. Simplement, un problème conclusif se posera, celui de savoir comment la phénoménologie peut penser l’absolu, surtout dans le sillage de Heidegger comme le fait A. Schnell dans son livre, compte tenu de la finitude du Dasein aussi bien que de l’être même. La pensée de l’absolu est certes le cœur de tout philosopher, mais la phénoménologie ne se doit-elle pas (dans l’héritage de Kant) de prendre en compte la finitude indépassable de l’ouverture questionnante à l’inconditionné ? La phénoménologie ne doit-elle pas se prémunir contre une tendance (chez Husserl déjà) à infinitiser la conscience elle-même identifiée à l’absolu ?
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